Cette année, Roman Moriceau a réalisé l'estampe 2021 de la Roseraie du Val-de-Marne. L'artiste a nommé son oeuvre "Ambulo in hortis", qui signifie "je marche dans le jardin" en latin.
L'œuvre est un tirage au charbon d'une photographie réalisée à la Roseraie du Val-de-Marne. Cette image fictive est constituée de six roses provenant chacune de variétés différentes.
Le noir et blanc, ainsi que le cadrage resserré sur la rose, accentuent l’aspect fragile, éphémère de cette fleur dont les pétales semblent faner sous nos yeux. La forme nouvelle donnée au rosier figuré dans l’estampe, passe tout d’abord inaperçue, pour l’œil du regardeur. La technique artisanale utilisée donne des variations à chaque tirage.
Il s’agit d’un tirage au papier salé viré à l’or, procédé alternatif de photographie inventé au milieu du XIXe siècle, pratiqué quelques décennies, en pleine mode des cultures de rose. L’esthétique datée de l’image, ainsi que son format (A5), ne révèlent pas directement la nature artificielle de l’image, son sens se délivrant par strates.
Interprétation de l'oeuvre
Les rosiers cultivés sont le résultat de plusieurs millénaires de transformations, d’abord empiriques puis par hybridation (procédé très populaire à partir du milieu du XIXe siècle). Cette rose entièrement artificielle questionne sur ce que l’on perçoit comme naturel.
Cristiana Oghina-Pavie, maîtresse de conférences en histoire contemporaine à l'Université d'Angers, écrit dans son étude Les rosiers entre horticulture et science au XIXe siècle : « Les rosiers, par la différence visible entre les formes spontanées et les formes cultivées, sont un des exemples les plus parlants de la difficulté de penser les végétaux dans leur généralité [...]. Dans leur course à la nouveauté, les horticulteurs sont très attentifs à l’apparition des formes nouvelles, insolites, originales et curieuses, que les botanistes considèrent comme étant des monstruosités. Comme dans d’autres domaines de la botanique, de la zoologie et de l’anatomie humaine l’observation de malformations, accidents et monstruosités est liée à la préoccupation pour la compréhension de l’évolution des organes. ».
Roman Moriceau pose ainsi cette question : les espèces modifiées par l’Homme font-elles toujours partie de la Nature, en ce qu’elles sont du « vivant », ou appartiennent-elles à un autre domaine, à mi-chemin entre organique et artificiel ?
L'artiste
Roman Moriceau s’intéresse à la botanique, fleurs, plantes, organismes, exploités à outrance dans une économie mondialisée. Par le biais d’impressions esthétiquement séduisantes, faisant souvent appel à des techniques anciennes et fragiles, il met en lumière la marchandisation qui s’est établie autour des fleurs et comment celle-ci participe à son extinction.
L'estampe a été exposée au MAC VAL, musée d'art contemporain du Val-de-Marne.